Chapitre V

 

Départ

 

 

      _ C'est inadmissible !! Cette bande de vieillards séniles a osé cracher  sur la mémoire de mes hommes! Hors de question que je laisse passer ça !

_ Agito ça suffit maintenant! Ne me force pas à te faire taire par la force! cria Setsuna.

_ Me calmer !? Tu veux que je me calme alors qu'on vient de bafouer l'honneur et la mémoire de mes hommes!? Tu plaisantes j'espère?

_ Agito je en le répéterais pas, calme toi!

_ Surement pas! Je ne me calmerais que lorsque cette bande d'ingrats sera morte et enterrée ...

Ne pouvant en tolérer plus, Setsuna venait de gifler avec force son jumeau.

_ Tu va me le payer Setsuna!!

         Agito se jeta sur son frère et lui porta une pluie de coups d'une rare violence. Setsuna para néanmoins chacune des attaques d'Agito avant de répliquer à son tour. Les deux frères je jetèrent ainsi dans un combat à mains nues d'une grande brutalité. Huang les observait d'un air las. Ce n'était pas la première fois et surement pas la dernière que Setsuna en était contraint d'en venir aux mains pour devoir calmer son frère. Bien que ce n'était qu'un simple combat sans enjeux ou les deux adversaires se contentaient d'échanger des coups, on pouvait ressentir en regardant les jumeaux à quel points ils étaient des adversaires redoutables. Ils arrivaient tout deux à parer la quasi-totalité des attaques que leur portait l'autre. Le combat redoublait d'intensité, ce fut le moment que choisit un garde pour rentrer dans la pièce.

_ Huang Fuku-Taisho, les ca....

Le nouveau venu resta bouche bée devant le spectacle qui s'offrait à lui. Il ne comprenait pas pourquoi le capitaine de la garde et le second du Fuku-Taisho se battaient.

_ Ne vous préoccupez pas d'eux, l'interpella Huang. Vous vouliez me dire quelque chose?

_ Heu ... oui monsieur. Les capitaines sont réunis dans la cour de la caserne comme vous l'avez demandé. Ils vous attendent. rapporta le garde.

_ Bien j'arrive tout de suite. répondit Huang

_ Monsieur ... vous êtes sûr que je ne dois pas les faire séparer? interrogea le soldat

_ Non ce ne sera pas nécessaire, ne vous en faites pas, ils finiront bien par s'arrêter à un moment ou à un autre.

_ Bien monsieur. acquiesça le garde avant de se retirer.

         Huang observa encore quelques secondes les deux jumeaux avant de quitter la pièce. Sur le pas de la porte, il jeta un dernier coup d'œil en arrière. À présent, le combat n'avait plus rien de remarquable, les deux frères se roulaient au sol en tentant d'immobiliser l'autre. Désespéré par ce triste spectacle qu'offraient les deux militaires les plus gradés en dessous de lui, Huang se décida à sortir.

         Une fois dehors, Huang se dirigea vers la caserne. Il y avait fait réunir l'intégralité des capitaines du village afin de les mettre au courant de la situation. Il aurait préféré que Setsuna et Agito soient là également, mais ils étaient occupés. Lorsqu'il pénétra dans la cour du bâtiment qu'était la caserne, les officiers de Shotokupum s'inclinèrent en signe de salut. Ils n'en manquait visiblement aucun. Yamamoto, capitaine de la division d'archers se tenait au premier rang. À ses côtés se tenait Suzaku, capitaine de la division de piquiers. Suzaku n'était pas encore  adulte lorsque Lya avait attaqué le village, mais malgré son jeune âge il avait tellement insisté pour prendre part au combat que Poulpy l'avait finalement accepté dans l'armée. Affecté aux archers, Suzaku avait été l'unique survivant de son unité. Il avait vu mourir ses deux frères et son père, tués sans pitié par les hommes de Lya. Cette épreuve l'avait changé à jamais. Il vouait désormais sa vie au service de Shotokpum et combattait avec une telle férocité que ses ennemis fuyaient souvent devant lui. Son seul désir était de venger chaque homme que Shotokupum perdait en tuant sauvagement les ennemis de la cité. Son maniement de la yari et de la naginata était tel que Suzaku surclassait même Huang dans ce domaine.

            Derrière eux, Yoko, capitaine des yabusame, attendait patiemment, son arc en bandoulière. Venait ensuite Ichika, capitaine de l'escouade Kougaku. Cette escouade ne comptait qu'une vingtaine d'hommes, mais ceux là étaient spécialisés dans la mise en place de barricades et de fortifications. Les hommes de l'escouade Kougaku se déplaçaient entre les villages alliés pour consolider leurs faibles défenses contre les divers pillards et bandits. Sous la directive d'un seul de ces hommes, un village pouvait très rapidement se transformer en une véritable forteresse. C'était Ichika et ses hommes qui avaient conçus les portes, les tours de guet et la structure de la nouvelle muraille de Shotokupum.

            Seiryu était également présente. Elle dirigeait la division d'éclaireurs de la ville. C'était régulièrement elle qui organisait les patrouilles, et elle ne perdait jamais une occasion d'en mener une. Elle et ses hommes pouvaient également servir d'assassins si la situation le demandait. Et dans ce domaine, Seiryu était loin au dessus des autres. Certaines rumeurs disaient même qu'elle aurait déjà effectué certaines missions d'assassinat pour l'empereur en personne.

_ Bonjour à tous. les salua Huang. Les nouvelles ne sont pas très bonnes. Comme vous le savez, j'ai fait réunir le conseil aujourd'hui, et il n'y a pas de quoi se réjouir.

Nous pensons avoir découvert l'identité de l'ennemi qui nous attaque depuis quelques temps.

_ Et qui sont-ils? demanda Suzaku

_ Ils agissent vraisemblablement sous les ordres de Lya. répondit Huang

Le silence se fit parmi les officiers. Tous savaient quelle menace cela représentait.

_ Mais ... n'est elle pas morte? interrogea Yamamoto.

_ Je l'ai vue mourir de mes yeux, tuée par l'empereur. Mais si elle est encore vivante ... je vais me faire un plaisir de la découper en morceaux! grogna Suzaku en serrant la garde son sabre.

_ Inutile de découper un cadavre mon ami, tempéra Seiryu. Elle est morte c'est une certitude. Mais il est possible que l'un de ses officiers ait survécu et qu'il veuille venge sa mort. Ce que je comprendrais fort bien. ajouta t-elle en fixant Huang.

_ Pour l'instant c'est la théorie la plus plausible que nous ayons. Mais nous n'en savons encore que trop peu. Quoi qu'il en soit, on nous a déclaré la guerre, c'est indéniable. Alors voici les mesures que nous allons mettre en place. Elles prennent effet immédiatement. Ichika, je veux que toi et tes homes prépariez un plan de fortification de la ville. Faites cela dans le plus grand secret. Et je veux que ce plan puisse être mis en place en moins de soixante douze heures si cela est nécessaire.

_ Je m'en charge, vous pouvez compter sur moi! acquiesça Ichika.

_ Yamamoto, Suzaku, continua Huang. Je veux que vos divisions soient prêtes à une mobilisation générale à tout moment. Vérifiez vos stocks d'armes et d'armures et doublez les si nécessaire. Accélérez la formation de vos recrues. Je veux que tout nos soldats soit opérationnels le plus vite possible.

_ À vos ordres! répondirent les deux intéressés.

_ Yoko, je veux que tu doubles tes effectifs. Tes yabusame pourraient s'avérer très utiles sous peu. J'aimerais aussi qu'avec Seiryu vous mettiez en place un plan d'évacuation des civils.

_ Avec plaisir, sourit Yoko.

_ Seiryu, je te laisse te charger des patrouilles. Renforce les mais fait attention à ne pas éveiller les soupçons de la population. Je veux qu'en cas d'attaque nous soyons prévenus le plus tôt possible. Et fait en sorte que tes hommes soit prêts au départ à tout moment. Je pourrais avoir besoin d'eux très bientôt.

_ Ce sera fait dans les plus brefs délais, opina Seiryu.

_ Bien, vous avez vos ordres, alors au travail, nous n'avons pas de temps à perdre. Ne mettez personne au courant de la situation sauf si c'est nécessaire. Je compte sur vous.

_ Oui Fuku-Taisho! clamèrent les officiers avant de se disperser.

 

            Le petit groupe fût rapidement dissous, chacun partant mettre ses ordres à exécution. Huang sortit de la caserne et resta en contemplation devant un majestueux cerisier en fleur. Le tronc s'élevait à une vingtaine de mètres du sol et déployait ses branches au dessus de la rue. Ces dernières disparaissaient sous les innombrables fleurs roses qui brillaient sous les rayons du soleil. Les magnifiques pétales rosés se décrochaient délicatement et se laissaient emporter par la légère brise. Huang observa certains pétales  se mêler avec grâce au cheveux bruns d'une jeune femme qui marchait non loin. Huang se rendit soudain compte que la jeune femme qu'il observait n'était autre que Seiryu. Du coin de l'œil il aperçu Setsuna s'approcher le sourire aux lèvres.

_ Notre Fuku-Taisho se serait-il épris de l'une de ses subordonnées? plaisanta l'officier.

_ Ne dis pas n'importe quoi, répliqua Huang en feignant de regarder le cerisier. Ton frère s'est-il calmé?

_ Plus ou moins ... Il est parti s'entrainer, et le connaissant, il va y passer de longues heures avant d'être totalement calme. Je te prie d'excuser son comportement inacceptable, ainsi que le mien.

_ Ce n'est rien, tu n'as pas à t'en faire pour ça, je comprends sa colère. Tant qu'il reste capable de diriger sa haine contre nos ennemis quand vient l'heure du combat, je peux bien lui pardonner quelques petits écarts de temps à autre.

_ Je te remercie Huang. J'ai parlé à Ichika, il semblerait que tu ais pris des mesures conséquentes. Avec ça nous avons toutes nos chances. Nos ennemis périront sous nos lames vengeresses!

_ Ne te réjouis pas trop vite mon ami, j'ai aussi des instructions pour toi. Je place ta division sous mon commandement direct. Quant à toi je t'envoie à Kyoto pour y rencontrer l'empereur. Tu pars demain à l'aube.

_ Ky... Kyoto ? Non! Il est hors de question que je quitte la ville à un tel moment. Des gens ont besoin de moi!

_ Et c'est justement pour ces gens là que tu dois te rendre à Kyoto. Je veux que tu demande audience à sa majesté Pim et que tu le mette au courant de la situation. Si une guerre se prépare, nous nous devons de le prévenir. De plus, nous pourrions avoir besoin de son soutien.

_ Je comprends... mais... je refuse d'abandonner Shotokupum. soupira Setsuna.  

_ Ne t'en fait pas pour ça, je suis sûr que notre jeune Fuku-Taisho ici présent saura la protéger en ton absence. lança un homme qui s'était approché des deux officiers.

_ Takeshi ? s'étonna Setsuna.

_ Et puis nous avons toujours ton frère. Il serait capable d'attaquer une armée à lui seul pour défendre la cité. plaisanta un second homme.

_ Hikaru ? Mais que faîtes vous là ? questionna Setsuna.

_ Il me semble que c'est toujours notre cité à ce que je sache, ironisa Takeshi.

_ Nous te cherchions en vérité, expliqua Hikaru. Nous savons que Huang t'envoie à Kyoto dès demain. Nous allons t'accompagner.

_ Nous avons encore des contacts au sein de la garde rapprochée de l'empereur, et nous le connaissons personnellement d'ailleurs. enchaina Takeshi.

_ Voyager en compagnie de deux lames sacrées, tu ne perds pas au change finalement Setsuna, l'encouragea Huang. Vous partirez à l'aube, enchaina t-il, je veux que vous fassiez halte dans tout les  villages voisins avant de prendre la direction de Kyoto. Prévenez uniquement les daimyos, et voyez si vous pouvez trouver d'éventuelles informations sur nos agresseurs.

_ Ce sera fait Huang Fuku-Taisho, acquiescèrent Takeshi et Hikaru en s'inclinant.

_ Setsuna, emmène quelques uns de tes hommes avec toi, une escorte pourrait s'avérer utile.

_ À vos ordres, approuva Huang.

_ Allez donc vous reposez messieurs, vous partez tôt demain.

            Tandis que les trois hommes s'éloignaient, Huang aperçu Chisaki au bout de la rue, qui se promenait avec l'une de ses amies. Le Fuku-Taisho se rappela qu'il ne savait toujours pas comment punir la jeune effrontée; De plus il avait encore de nombreuses choses à faire, cet après midi s'annonçait très long.

 

 

*

*     *

 

 

 

             _ Allez messieurs, activez la cadence!! Ces caisses ne vont pas se charger toutes seules alors mettez vous au travail!!

_ Oui madame!

            Sur les ordres de leur capitaine, les marins redoublèrent d'efforts pour embarquer leur cargaison sur l'Apollon.  Ce majestueux galion à 5 mâts était la fierté de la marine royale néerlandaise. Du long de ces 62 mètres, il était le plus grand bâtiment présent dans le port. Trois-cent-cinquante marins s'affairaient à charger la cargaison, arrimer les canons, préparer les voiles. L'Apollon allait effectuer sa première véritable mission. Il devait se rendre en Asie pour y négocier des traités marchands avec de nombreuses îles. Dans ce but, on y embarquait de la soie italienne, des épices portugaises, du vin, de la laine, et surtout de nombreux coffres remplis d'or. Chaque membre d'équipage avait été sélectionné avec soin par le haut commandement de la marine royale. Tous avaient déjà fait leurs preuves sur d'autres bâtiments, ils comptaient parmi les meilleurs que le pays puisse fournir. En plus de l'équipage, sous le commandement du capitaine de vaisseau Peter Anton, l'Apollon embarquerait cent-cinquante arquebusiers issus des meilleurs régiments de l'armée. De plus, le galion avait été équipé de trente couleuvrines et vingt-deux demi-couleuvrines à chaque bord. Enfin, deux autres vaisseaux seraient chargés d'escorter l'Apollon.  Le Comète et l'Olympe, sous le commandement des Contre-amiraux Karin Heemstra et  Rika Stevin embarquaient chacun deux-cent -cinquante marins, soixante-quinze arquebusiers, quarante-six couleuvrines et quarante demi-couleuvrine. Les amiraux espéraient ainsi que le flottille serait en mesure de venir à bout des rares pirates que l'armement de l'Apollon n'aurait pas dissuadé.

            Le commandement de l'expédition avait été confié au Vice amiral d'escadre Amélia Budzinsky. Elle était considérée comme l'un des plus brillants officiers que comptait la flotte. Nommée Capitaine de vaisseau à l'âge de vingt-huit ans après avoir coulé deux galions pirates et sauvé plusieurs navires marchands espagnols avec une simple frégate. Deux ans plus tard, elle obtenait le grade de Contre-amiral. Trois années et de multiples décorations passèrent, période durant laquelle elle fut nommée Vice-amiral puis Vice-amiral d'escadre. Elle supervisa ensuite la construction de l'Apollon pendant trois autres années. Certains disaient que la seule raison qui l'empêchait de devenir amiral était son jeune âge. Elle avait finalement été choisie pour mener cette expédition, ce qui l'enchantait particulièrement. La perspective de commander un tel bâtiment et de pouvoir visiter des pays orientaux lui plaisait, et son grade lui avait permis de choisir ses vaisseaux d'escorte. Elle n'avait pas hésitée et une seule seconde et avait demandé l'assistance des contre-amiraux Heemstra et Stevin. Les trois femmes se connaissaient très bien et s'entendaient parfaitement depuis qu'elles avaient servis ensembles sur le même bâtiment pendant dix mois alors qu'elles étaient encore lieutenant.

         Un léger vent marin souffla sur les quais, faisant danser les cheveux blonds des trois femmes. Les uniformes bleus et or qu'elles portaient attestaient de leur grade élevé. Elles discutaient vivement, heureuses de se retrouver après plusieurs années et de pouvoir à nouveau naviguer ensembles.

_ Capitaine Anton, au rapport! finit par appeler celle qui se tenait au centre.

_ Oui Vice-amiral! répondit un homme d'une cinquantaine d'années à la barbe épaisse. Toutes les cargaisons ont étés embarquées. L'équipage est au complet, la voilure est vérifiée, et les stocks de provisions sont complets. L'Apollon est paré à lever l'ancre madame. Le Comète et l'Olympe de même.

_ Bien, dans ce cas il est l'heure de partir. L'Apollon sortira du port le premier, suivi par l'Olympe et enfin le Comète. Une fois en haute mer, le Comète se déploiera sur notre flanc gauche, et l'Olympe sur le flanc droit. Contre-amiraux Karin et Rika, je compte sur vous.

_ Ce sera un plaisir de protéger vos flancs, sourit Karin.

_ Comme au bon vieux temps, plaisanta Rika.

_ Regagnez vos bâtiments mesdames, nous partons dans dix minutes.

         Les deux femmes s'éloignèrent en direction d'un autre quai sur lequel étaient amarrés deux vaisseaux moins imposants que l'Apollon mais tout aussi majestueux.

La Vice-amiral d'escadre, s'engagea sur l'escalier de bois qui menait au pont supérieur de l'Apollon. Elle passa devant l'équipage aligné au garde à vous, et monta sur la passerelle. Elle s'appuya sur la balustrade en chêne et regarda l'équipage qui attendait ses ordres. Les officiers étaient alignés derrière elles, le capitaine Anton se tenait à sa droite.

_ Tout le monde à son poste, annonça-t-elle. Larguez les amarres. Prenez la barre Capitaine.

_ À vos ordres Madame, répondit le capitaine. Tout le monde à son poste! Larguez les amarres! Bordez les voiles, en avant toute!

            Les trois vaisseaux commencèrent à glisser sur l'eau en silence, et se dirigèrent lentement vers la sortie du grand port d'Amsterdam. Dès qu'elle eut quitté le port, la flottille se déploya comme convenu et entama son long voyage vers l'Asie.

 

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