Chapitre II

 

Petite sœur

 

 

     Les premières lueurs de l'aube pointaient à l'horizon, illuminant les plaines entourant la ville d'une lumière d'un orange envoutant. Au nord, les sommets les plus élevés commençaient à se découper dans cette belle lumière. Les rayons de l'astre solaire se reflétaient sur les roches lisses qui composaient la chaine de montagne. Cette dernière donnait l'impression qu'elle allait s'embraser et offrait ainsi un spectacle sans pareil aux voyageurs et aux rares habitants alors éveillés. Une belle journée s'annonçait. D'ici quelques minutes les commerçants ouvriraient leurs échoppes, tandis que les agriculteurs partiraient s'occuper de leurs champs, et la ville s'animerait comme à son habitude.

         Le bruit des sabots sur la pierre brisa le frêle silence de l'aube. La patrouille  s'apprêtait a partir. Mais aujourd'hui elle serait composée de quinze hommes, dont cinq étaient membres de la garde. Trois d'entre eux marchaient en tête, les deux derniers fermaient la marche. Il se pouvait qu'il reste des ennemis aux alentours, et Huang ne voulait pas que sa patrouille soit prise au dépourvu. D'ordinaire, les patrouilles se composaient d'un seul membre de la garde, accompagné de quatre soldats. Mais avec la récente bataille, Huang avait préféré rester prudent et avait augmenté les effectifs.

         Les membres de la patrouille affichaient un visage grave, ils étaient aujourd'hui chargés d'une importante mission. Vérifier qu'aucun ennemi ne se terrait non loin de la cité. En temps normal ils étaient plutôt détendus. Étant donné que Pim avait unifié la majeure partie du Japon sous sa bannière, et que Shotokupum se situait au centre de ce territoire, il n'y avait pas de réelles frontières à surveiller. Et très rares étaient les ennemis qui osaient s'aventurer aussi loin en territoire adverse. En vérité, les patrouilles servaient surtout à rassurer les villageois, et accessoirement à éloigner les quelques bêtes sauvages qui pouvaient représenter un quelconque danger pour les agriculteurs. En somme, les patrouilles n'avaient pas de réelles responsabilités.

         Dès qu'ils eurent passé la porte, les patrouilleurs piquèrent des éperons et s'élancèrent au galop sur la piste de terre battue. Ils ignoraient que Huang les observaient depuis l'une des nombreuses tours de guet. Ce dernier, assailli par d'innombrables questions auxquelles il ne savait répondre, n'avait pas réussi a trouver le sommeil, et avait donc décidé de monter la garde afin de se changer les idées. Mais a présent que la ville s'éveillait peu à peu, ses récentes responsabilités s'imposèrent a lui. Il était Fuku-Taisho désormais, et cette journée ne serait pas de tout repos. Il avait convoqué une assemblée du conseil, celle ci aurait lieu à midi. Mais avant cela, il devait se pencher sur l'entrainement de ses hommes. Il faudrait également qu'il s'occupe d'organiser les patrouilles pour les jours à venir. Il devrait faire en sorte de ne pas trop envoyer les membres de la garde en patrouille, afin qu'Agito dispose toujours d'un nombre de combattants suffisant pour former les nouvelles recrues.

         Huang descendit les échelons de la tour, et se retrouva sur le chemin de ronde. Il salua les soldats qui montaient la garde, et se dirigea vers la porte ouest. A son arrivée, la ville s'agitait déjà. Il descendit rapidement l'escalier de bois et partit en direction du champ de tir. Il espérait y retrouver Setsuna. Les deux hommes se connaissaient depuis de nombreuses années et étaient comme des frères. Il étaient capables de combattre dos à dos pendant des heures, sans jamais que l'un deux ne puisse laisser une ouverture qui aurait pu couter la vie à l'autre. C'est Huang qui avait choisi Setsuna comme commandant en second et l'avait nommé Taisho du corps des épéistes, son précédent poste. Il savait qu'il pouvait compter sur Setsuna à tout moment, et se demandait même parfois si ce dernier ne ferait pas un meilleur Fuku-Taisho que lui.

         Quelqu'un appela Huang avant qu'il ne pénètre sur le champ de tir. Il se retourna et se retrouva en face de Yamamoto. Un grand homme, élancé, aux yeux d'un noir profond, dans lesquels on pouvait lire la sagesse et l'expérience. Yamamoto n'était autre que le commandant du corps des archers de Shotokupum. Ses cheveux grisonnants étaient la seule chose qui rappelait à tous l'âge avancé du vétéran. Ce dernier avait pris part à la première bataille de Shotokupum, au cours de laquelle lui et ses camarades, alors simples paysans, avait affrontés les troupes de Lya et en étaient sortis vainqueurs. Yamamoto avait combattu sous les ordres de Poulpy, et aujourd'hui il servait sous les ordres du fils du héros, Huang. Ce dernier avait un profond respect pour le vétéran. Néanmoins, il se sentait mal vis à vis de Yamamoto. Il était plus sage et bien plus expérimenté que Huang. C'est lui qui aurait dû être nommé Fuku-Taisho.

_ Huang-Fuku-Taisho, je vous cherchais, annonça le vétéran.

_ Que puis-je faire pour vous être utile?

Yamamoto esquissa un sourire

_ Vous savez bien que c'est moi qui devrait vous dire cela. Vous dirigez les forces militaires de Shotokupum, vous n'avez pas à me demander ce genre de choses.

Ces paroles déstabilisèrent Huang qui se sentait toujours coupable d'avoir été nommé Fuku-Taisho à la place du vétéran.

_ Si vous le dîtes. Donc, qui y'a t'il?

_ Voilà qui reflète plus votre rang, Fuku-Taisho! le taquina Yamamoto. J'aimerais que vous veniez voir l'un des détenus. C'est une affaire assez peu commune...

_ En ce cas, allons y!

         Les deux hommes se mirent en route et longèrent la muraille en direction du nord. La prison de Shotokupum était un modeste bâtiment situé au nord-ouest de la ville. Cette dernière étant très paisible, il était assez rare que la prison ait des occupants.

_ Alors dîtes moi Yamamoto, qu'a pu bien faire ce prisonnier? interrogea Huang. Pour que cela réclame votre présence ainsi que la mienne, cela doit être une affaire assez exceptionnelle. 

_ C'est la raison pour laquelle je suis venu vous chercher en personne. Si j'avais envoyé l'un de mes subordonnés vous quérir, vous ne l'auriez surement pas cru. C'est quelque chose pour le moins... exceptionnel, comme vous dîtes.

_ Je suis toute ouïe. s'intéressa Huang. Qu'a t'il fait?

_ Pas il, elle! C'est une femme qui nous as joué ce tour. expliqua le vétéran. Figurez vous qu'hier, pendant l'attaque, j'ai découvert l'un de mes hommes, inconscient dans une ruelle, dépourvu de son armure et de son arme. Je l'ai réveillé, et il m'a appris qu'il se rendait à la muraille sud comme on lui avait ordonné, lorsqu'on l'a assommé par derrière. Il ne se souvenait de rien d'autre.

_ Et cette femme, qu'a t'elle fait de cet équipement? Elle comptait le revendre a des marchands ambulants?

_ Vous êtes loin de la vérité Huang. La femme en question, ne s'est pas contentée de voler l'équipement de l'un de mes hommes après l'avoir assommé, elle l'a également porté et a tenté de se faire passer pour sa victime afin de pouvoir participer a la bataille. Fort heureusement, nous l'avons arrêtée avant le début des hostilités. Dieu sait quels problèmes elle aurait pu nous créer si nous ne l'avions pas retrouvée a temps.

         Chemin faisant, ils étaient arrivés à la prison. Deux gardes leurs ouvrirent la porte et un troisième les conduisit a la cellule de la prisonnière.

_ Yamamoto, vous avez bien fait de venir me chercher. C'est une affaire des plus graves en effet. Néanmoins, je crois savoir qui en est à l'origine.

         Les deux hommes rentrèrent dans la cellule. Au fond de celle-ci se tenait une femme, elle mesurait environ 1m70 et était visiblement plus jeune que Huang. Elle  devait avoir à peine plus d'une vingtaine d'années. Ses longs cheveux noirs retombaient dans son dos et sur son visage. Une lueur de défi brillait dans ses yeux noirs.

_ Elle nous a donnés du fil à retordre. Ça n'a pas été simple de l'amener ici. Je n'avais jamais vu quelqu'un se débattre autant! expliqua le garde qui était resté en retrait.

         Huang ne s'étonna même pas de la remarque. Il regardait la jeune femme d'un air amusé.

_ Je me doutais bien qu'il n'y avait que toi pour faire quelque chose comme ça... petite sœur.


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