Attention !!! La compréhension de ce chapitre nécessite une certaine connaissance de l'organisation des Triades. Je vous invite donc à vous référer au lexique avant de commencer la lecture.

 

 

Chapitre IV

 

Nuit sanglante

 

 

           Alors que l'astre solaire déclinait au loin, un pigeon fendît les cieux embrumés surplombant la côte. Peu à peu, une ville se dessina à l'horizon. Des jonques de toutes tailles rentraient de la pêche quotidienne et s'entassaient dans la baie. Les marins allaient et venaient, déchargeant des caisses de poisson frais. A mesure qu'on se rapprochait, il apparaissait clairement que la ville se divisait en deux parties. Une partie haute, située sur les collines, dont les bâtiments brillaient d'un éclat orangé dans la lumière pourpre du soleil couchant. De nombreux gardes équipés d'armures richement décorées sillonnaient les rues pavées de marbres et de mosaïques finement travaillées. Des fontaines ornaient les coins de rues, l'eau pure scintillait dans la lumière du couchant. Plus on s'élevait, plus les bâtiments étaient imposants et arboraient de fines gravures. La ville basse quant à elle, située au ras de l'eau, abritait les marins et les paysans, empestait la crasse et la maladie. Les frêles habitations en bois donnaient l'impression que la moindre vague aurait pu les balayer. Les rats pullulaient au milieu des ordures. Les charognards se disputaient la moindre pièce de viande qu'ils pouvaient trouver. Des cadavres pourrissaient a même le sol, dévorés de l'intérieur par divers asticots. C'était vers ces quartiers mal famés que se dirigeait le volatile. Il survola la baie, sur le port des marins se battaient pour une caisse de poisson. Le moins chanceux des deux termina dans l'eau crasseuse du port, un couteau fiché dans l'œil. Alors que certains acclamaient le marin victorieux, d'autres s'équipèrent de couteaux et de harpons afin de venger leur camarade. Une boucherie éclata vite sur les quais et le sang se répandit dans l'eau. Plus loin la milice de la ville arrivait en courant. Les marins se feraient vite tailler en pièces par ces soldats entrainés. Indifférent à cette agitation, le modeste oiseau continua sa course vers une petite bâtisse surplombant quelque peu le port. Un homme s'y tenait debout, et regardait la bagarre en contrebas, un sourire sur les lèvres. Le pigeon se posa à quelques pas de l'homme, qui attrapa le volatile pour détacher le rouleau de papier attaché à sa patte. Alors que l'oiseau attendait sa récompense, le visage de l'homme s'assombrit tandis qu'il lisait le message. Il dégaina un sabre et trancha net le pigeon en deux. Ce serait sa punition pour avoir apporté de si mauvaises nouvelles. Alors que l'homme s'éloignait, des charognards s'étaient déjà jetés sur la viande encore chaude que venait de leur offrir cet homme.

         Dans les ruelles malodorantes qui composaient la ville basse, l'homme se déplaçait silencieusement. Il avait des cheveux noirs et lisses qui lui tombaient jusqu'au épaules, une queue de cheval de taille modeste pointait à l'arrière de son crane. Ses yeux, de même couleur que ses cheveux, semblaient être un puits sans fond. Il portait une armure légère faite de plaques de cuir noires rivetées entre elles par un métal noir. Deux sabres étaient fixés dans son dos, leur seul ornement était une tête de dragon en rubis au niveau de la garde. Il portait également un long poignard attaché à sa cuisse gauche. Cet homme transpirait la méchanceté et la cruauté à chacun de ses pas. Tandis que ses bottes de cuir foulaient le sol jonché de détritus les habitants s'empressaient de rentrer chez eux et d'éteindre les lumières. Il inspirait la peur parmi cette faible population, et d'ordinaire cela lui plaisait. Il prenait régulièrement plaisir à torturer ces pauvres êtres, aussi bien psychologiquement que physiquement. Mais ce soir il avait le visage sombre, du moins encore plus qu'a l'accoutumée, si tant est que ce soit possible. Il rapportait de très mauvaise nouvelles et cela avait le don de le mettre hors de lui. Un mendiant s'approcha pour demander l'aumône. L'imprudent fut immédiatement châtié par le sombre personnage, qui en un éclair avait dégainé son poignard et l'avait enfoncé jusqu'à la garde dans la chair tendre qui constituait la gorge du malheureux.

         Cette petite distraction eu pour effet de calmer légèrement l'assassin. Ce dernier continua sa route dans le dédale de ruelles pour arriver finalement devant un imposant mur de pierre à flanc de colline. Il le logea sur quelques mètres et se retrouva devant une lourde porte en fer. Celle-ci s'ouvrit son passage, deux hommes lourdement armés se tenaient derrière et s'écartèrent pour le laisse passer. Il s'engagea alors dans un long couloir souterrain éclairé par de nombreuses torches. Quelques minutes plus tard, il arriva devant deux autres hommes, équipés de la même façon que les précédents. Ils étaient postés devant une porte similaire a la première. Malgré leur lourd équipement, ils ouvrirent et refermèrent la porte sur le passage de l'assassin sans faire le  moindre bruit. Le tueur déboucha dans une vaste salle ornée de deux rangées d'imposantes colonnes de pierre. Sur sa droite le mur avait été abattu et la salle donnait directement sur un précipice. Il faisait totalement nuit désormais, et seule la lumière de la lune éclairait faiblement la pièce. Un villageois qui aurait pu être assez chanceux pour parvenir jusqu'à cet endroit en échappant aux pièges et aux patrouilles n'aurait vu que l'assassin traverser une pièce totalement vide. En vérité, des dizaines d'hommes se tenaient dans l'ombre, immobiles et silencieux. La partie gauche de la salle donnait sur de nombreuses autres pièces et couloirs, mais aucun son ni aucune lumière ne s'en dégageaient.

         Le meurtrier s'avança au milieu de colonnes sans briser le silence qui y régnait et se dirigea tout droit vers une porte à double battants en chêne, située au fond de la salle. Un nuage masqua la lune ce qui plongea la salle dans l'obscurité. Lorsque la lune réapparu, une silhouette se tenait debout devant la porte. Elle attendit que l'assassin s'approche pour le questionner:

_ Alors? Qu'en est-il?

_  Tous morts. D'après le message ils ont étés anéantis en quelques minutes. Le nouveau Fuku-Taisho a fait preuve d'une efficacité remarquable. 'ennemi n'aurai subi qu'une dizaine de pertes.

_ Je vois ... il ne va pas être content ...

_ Non en effet. Tu peux t'estimer heureux de ne pas avoir à le lui annoncer.

_ C'est peu de le dire. Essaye de ne pas te faire tuer.

         Sur ces mots le nouveau venu s'éclipsa dans l'ombre d'une colonne. L'assassin soupira et poussa les portes. Il pénétra dans une pièce ou l'obscurité était totale mis à part deux torches  brulant au centre de la pièce. Au delà on pouvait deviner les contours d'un imposant trône. Depuis celui-ci s'éleva une voix dans laquelle perçait toute la méchanceté du monde.

_ Approche Xing-Ke.

Ce dernier s'exécuta et s'avança dans la lumière.

_ Je t'écoute Xing-Ke.

_ Les nouvelles sont mauvaises , Tête de Dragon. Nos mercenaires se sont fait décimer jusqu'au dernier sans pouvoir infliger de grandes pertes à l'ennemi. Le nouveau Fuku-Taisho ennemi ne leur à laissé aucune chance.

Xing-Ke entendit plusieurs arcs se bander dans l'obscurité. Un seul mot de la part de la Tête de Dragon pourrait lui couter la vie.

_ Ne t'avais-je point ordonné de leur fournir des bombes?

_ Oui ... cependant ils n'ont visiblement pas eu le temps de les utiliser.

_ Shotokupum commence à poser de sérieux problèmes. Nous allons devoir nous occuper d'eux au plus vite. Sortez de l'ombre messieurs!

         À ces mots trois hommes sortirent de l'ombre et vinrent se placer aux cotés de Xing-Ke. Tous possédaient des cheveux noirs de jais et des yeux de même couleur. Ils étaient équipés de la même armure que ce dernier, mais leur armement différait. Le premier portait un Kusarigama à la ceinture, ainsi que deux longs poignards dans le bas du dos. Il arborait une longue natte ornée de fils d'or. Le second était muni du même poignard que Xing-Ke à la cuisse gauche, mais dans son dos ce n'était pas deux sabres qui étaient présents mais une imposante hallebarde incrustée de pierres précieuses. Ses cheveux touffus s'entremêlaient avec une imposante barbe qui lui tombait sur le torse. Le troisième était quant à lui équipé d'une arbalète et d'un carquois fixés en bandoulière, ainsi que d'un sabre cour à la ceinture. Un corbeau se tenait sur son épaule, et ses cheveux était coiffé en chignon, lequel était retenu par une broche en jade. Tous inspiraient la peur, et les quatre hommes réunis dégageaient une aura maléfique si intense que même les animaux sauvages les plus féroces n'oseraient s'approcher du quatuor maléfique.

_ Éventail de papier blanc, sommes nous en mesure de soutenir une guerre? demanda Tête de Dragon.

_ Nos finances sont au mieux actuellement. répondit l'homme au Kusarigama. Il nous suffira d'augmenter les taxes sur les commerçants et nous disposerons de tout les moyens nécessaires.

_ Bien, Maitres des encens, qu'en est-il de nos effectifs?

_ Trop peu nombreux actuellement. Cette fois c'est l'homme à la hallebarde qui avait parlé. Je recommande un recrutement massif dès que possible, ainsi qu'une alliance avec le groupe des Quatre oiseaux ainsi qu'avec les Dragons pourpres.

_ Hors de question! Gronda Tête de dragon. Les membres de la Nuit sanglante ne s'allieront avec personne. Pôle rouge!      

_ Oui Tête de dragon ? répondit Xing-Ke

_ Rassemble autant d'hommes que tu le voudras et tue les dirigeants des Quatre oiseaux et des Dragons pourpres. Et débrouille toi pour que leurs hommes nous rejoignent.

_ Avec plaisir.

_ Sandale de paille! poursuivit Tête de dragon. Informe tout nos chefs d'escouade de la situation ainsi que nos branches annexes. Mobilisation générale de la Nuit sanglante, que tout le monde mette ses troupes et ses ressources en commun! Et préviens également nos invités.

_ Ce sera fait. acquiesça l'homme au corbeau.

_ Bien, retirez vous maintenant. Quant à toi Xing-Ke, tâche de ne plus me décevoir.

         L'intéressé opina de la tête et se dirigea à reculons vers la sortie. Ses trois confrères avaient déjà disparus dans l'ombre. Xing-Ke refusait de tourner le dos à son maitre pour la simple et bonne raison que ce dernier était encore plus cruel que lui et les trois autres officiers réunis, et qu'il était encore possible qu'il change d'avis et donne l'ordre qu'on le tue. Si tel devait être le cas, Xing-Ke préférait affronter la mort en face.

         Lorsqu'il sortit de la salle encore vivant, il savait que de nombreux yeux l'épiaient dans l'ombre. En tant que Pôle rouge de la Nuit sanglante, sa place était extrêmement convoitée. Et beaucoup auraient préféré le voir ressortir la tête tranchée pour avoir une chance de prendre sa place. Même au sein d'une organisation si structurée et si puissante qu'était la leur, la trahison n'était jamais loin. Xing-Ke savait pertinemment qu'il ne devait sa place qu'au fait d'avoir surclassé les autres membres de l'organisation lorsque le précédent Pôle rouge était mort. Ici, les soldats n'obéissaient à leurs chefs que parce que ces derniers étaient meilleurs combattants et pouvaient les tuer sans difficultés.

         La Tête de dragon lui avait fait porter la responsabilité de l'échec de leurs mercenaires et cela ne lui plaisait pas du tout. Et la mission qu'on venait de lui confier risquait bien de le mener à sa perte. Et dans le cas ou il en sortirait vivant, il devrait s'engager dans une guerre à l'issue incertaine. Tout cela n'était pas de bonne augure pour son espérance de vie. Ceci l'ayant mis en colère et il se reteint de justesse de ne pas aller éventrer quelques uns des soldats tapis dans l'ombre. Néanmoins ses sabres le démangeaient plus que jamais. Il se dirigea vers la porte par laquelle il était arrivé, un sourire malsain sur les lèvres. D'un signe de la main, une dizaine d'homme sortit de l'ombre et lui emboita le pas. Cette nuit verrait la mort de nombreux paysans, et Xing-Ke prendrait un malin plaisir à les faire souffrir le plus possible.


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